In de zomer van 1984 schreef Robert Van Oirbeek een brief naar de redactie van La Dernière Heure. De brief werd pas in 2021 in de krant gepubliceerd:
Les documents exclusifs de La DH : été 1984, Robert Vanoirbeek, roi de l’évasion, nous écrit de prison
Été 1984, Robert Vanoirbeek écrit de prison. "Jamais d’arrachage de sac. Par contre, la vitrine d’une belle bijouterie…”
L’écriture est fluide et le style direct. Robert Vanoirbeek vient d’avoir 31 ans et dans le Royaume, son surnom est un défi à l’administration pénitentiaire. Le "Roi de l’évasion", c’est lui. Il en a un second, le Petit Robert, qu’il tire à la fois de son 1m66 et de sa culture générale digne du célèbre dictionnaire. Et dire qu’il se destinait à devenir coiffeur.
"Déjà, m’écrit-il en juillet 1984, je m’étais fixé une frontière à ma délinquance : le respect des gens. Il n’a jamais été question pour moi d’arracher un sac, d’attaquer un chauffeur de taxi. Par contre, la vitrine d’une grosse bijouterie ou d’une belle banque…"
En 1984, le Petit Robert est déjà le recordman des évasions. Son pedigree compte plusieurs dizaines de hold-up de banques et des bureaux de poste. Vanoirbeek s’est évadé de Namur, Saint-Léonard à Liège, Lantin et Arlon. Il n’a pas de sang sur les mains. Il a la sympathie du public.
Cette lettre n’a jamais été publiée. Il l’a écrite entre deux cavales. Je la conservais dans un tiroir, peut-être la plus précieuse de toutes. D’une certaine façon, le roi de l’évasion, pour la première fois, se livrait. Il n’y en aura pas d’autres.
"Tant de choses ont été écrites que j’estime, moi qui me suis toujours tu, le moment venu d’essayer d’expliquer le comment et le pourquoi. Moi qui ne cherche au contraire qu’à m’effacer, je n’ai jamais recherché la publicité dans les médias, conscient qu’elle défavorisait mes cavales et rendait ma vie dans la clandestinité plus difficile."
"Ma vie est un cocktail de tristesse, de tendresse et de haine contre un système. J’ai vu le jour le 4 février 1955 grâce à une maman tchécoslovaque réfugiée à Bruxelles après une longue déportation dans les camps de la mort. Une maman remarquable de courage. Jusqu’à mes 12 ans, je vivais à quelques roues de bicyclette des étangs de Woluwe. La naissance de ma délinquance n’y prendra pas cours. Elle prendra racine après un déménagement dans les quartiers de Bruxelles. Une délinquance que j’évalue comme étant classique, non crapuleuse. Déjà je m’étais fixé une frontière : le respect des gens."
"Février 1972, 7e étage au 13 rue des Quatre Bras. Déjà le juge de la jeunesse Blondel ne s’en sort plus. Il ignore que les homes pour enfants sont des prisons, des lieux où une structure humaine est impossible. C’est pourquoi les homes resteront un échec aussi longtemps que ça ne changera pas. Le juge choisira de se désister au profit du tribunal des adultes. (Je suis) incarcéré à Forest, 10e Section, cellule 299. Cellule 300, Georges Carick, deux fois assassin. Cellule 298, Jacques Rompteau, meurtrier d’un étudiant suisse. De part et d’autre : René Maillard, deux fois meurtrier ; le gang (peu reluisant) de Jean Caporal, (*) et celui-ci du numéro 1 Marcel. J’ai 17 ans et au nom de la société (que je ne menaçais pas vraiment), je suis mélangé au monde des criminels et dans l’univers du néant, celui de la prison. Après plusieurs mois de préventive, je vais être condamné à 3 ans. Pendant cette période, j’ai vu des assassins acquittés et des vraies crapules purger moins de trois ans.”
“Traumatisé par la longueur de la peine, je vais devenir un homme révolté. Durant trois ans, entre mes 17 et mes 20 ans, le système carcéral allait me laisser seul. Une aide sociale m’aurait probablement rayé à jamais de l’actualité judiciaire. Mais je n’ai pas rencontré d’assistantes sociales ni de psychiatres ni de psychologues. Même pas l’aumônier n’est venu."
"Puis je me retrouve à nouveau confronté à la justice, accusé par quelqu’un qui sera interné, pour un hold-up à Woluwe-Saint-Lambert. Sous la dictature du procureur Jaspar, le tribunal me condamnera à six nouvelles années. Or la loi dit pourtant qu’un interné ne peut pas témoigner. Pour moi ayant passé de mes 17 ans à mes 20 ans derrière les barreaux, il était totalement exclu que j’y reste de 22 à 28 ans."
"Il s’ensuivra la série d’évasions. Namur le 12 février 1979 : 30 mètres d’échelle. Saint-Léonard 27 août 1979 : le 38 Spécial du cuistot. Lantin le 17 août 1980 : Ping… pong… cartouche. Et Arlon le 1er mai 1984, la clef."
"L’évasion, la clandestinité est en réalité quelque chose de difficile à vivre. Le sommeil est perturbé. Les promenades sont angoissantes. On sait qu’on peut aimer, on s’aperçoit qu’on pourrait être heureux au sein d’un foyer mais on sait aussi qu’il y aura toujours une barrière quelque part. De derrière la fenêtre de sa planque, on envie parfois l’ouvrier qui attend son bus pour aller bosser. On voudrait que la ‘machine à reculer le temps’ de ‘Bob et Bobette’ existe. Hélas !"
"Je ne suis pas né délinquant et je n’ai pas vraiment souhaité devenir ’truand’. Les choses de la vie, les peines destructrices, les prisons-caveaux et les trahisons ne m’ont guère laissé le choix. Qui prétendra que la vie n’est pas du cinéma ? Toutefois si je devais choisir un acteur, ce ne serait ni Delon ni Belmondo. Mais Patrick Dewaere, Dustin Hoffman, Faye Dunaway, Geneviève Bujold."
"La suite des événements ? Je chercherai un horizon de liberté, d’espoir, de désespoir. Une bataille."
Robert Vanoirbeek s’évadera une cinquième fois.
Son coup le plus spectaculaire, un braquage de 24 heures à la BBL de Gembloux, débutera la veille d’un jour férié. Le 10 novembre 1987, 12 otages sont retenus dans l’agence tandis que le "Petit Robert" et deux complices fracturent 125 coffres. Le butin est estimé entre 200 et 500 millions de francs belges, dont une partie n’a jamais été retrouvée. Vanoirbeek est repris l’année suivante. Gracié en 1996 par le roi Albert II, il échappera à un total de 43 années de prison.
À sa sortie, il nous contacte, nous fait promettre de ne jamais chercher à le rencontrer. Nous respecterons.
Débute une nouvelle vie du côté de Namur, une belle vie au service d’une ASBL d’aide aux personnes handicapées.
Robert-le-Gentleman mènera pendant 25 ans une existence élégante et discrète, fier de n’avoir jamais eu de sang sur les mains. Il est décédé l’an passé, à Namur. Jeune encore. Il n’avait que 65 ans.
Bron: La Dernière Heure | 19 Juli 2021
(*) Zie de Bende Caporale.
"Le monde est dangereux à vivre! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire." Volg ons via »
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